Rencontre historique en Alaska - 15 août 2025
/Tout cela pour ça ? - La signification de la rencontre en Alaska des présidents américain et russe.
Cette première rencontre depuis 4 ans entre le président américain et le président russe n’est pas simplement un moment symbolique et fort en termes de communication, elle constitue une étape marquante dans le processus de normalisation des relations américano-russes. Comme le note le président américain, « nous ne sommes pas parvenus à un accord complet. Malheureusement, il n'y a pas encore d'accord », mais là n’était pas l’objectif de la rencontre. L’objectif premier de cette rencontre, était de permettre aux deux anciens « Grands » de réapprendre à négocier, s’opposer ou coopérer, commercer dans le cadre d’échanges diplomatiques traditionnels au plus haut niveau, loin des prises de positions idéologiques et des anathèmes hystériques. Sous cet angle, la rencontre a été un succès.
Autre succès, la possibilité pour le président russe de développer les arguments qu’il défend déjà depuis de nombreuses années quant au conflit ukrainien directement devant son homologue américain. Le tout en mettant en lumière l’influence néfaste des actions et des positions d’une partie des pays européens dans le conflit ukrainien. « Nous espérons que Kiev et les capitales européennes percevront tout cela de manière constructive et ne feront pas obstacle, ne tenteront pas, par des provocations ou des intrigues en coulisses, de compromettre les progrès qui se profilent ». Comme cela s’est déjà déroulé au terme des négociations en Turquie, quelques semaines après le début du conflit…
Succès américain enfin, succès du président Trump surtout, qui apparait désormais clairement comme le seul dirigeant occidental a vouloir, pouvoir et savoir traiter avec le président russe en faveur d’un règlement du conflit ukrainien. Ainsi, le président Trump va « … contacter les représentants de l'OTAN, je vais contacter et m'entretenir avec les dirigeants concernés, avec le président Zelensky, je l'informerai de la réunion d'aujourd'hui… », laissant ainsi aux autres responsables internationaux, au mieux, un rôle de spectateurs actifs.
Les deux anciens « Grands » peuvent être satisfaits de cette rencontre, l’un a démontré son emprise sur le monde dit libre, l’autre a affermi sa position internationale, loin de tout isolement, tout en gagnant du temps pour de nouvelles opérations de libération d’un territoire qu’il dit lui appartenir.
Quant à l’Europe… ? Peut-être est il temps pour elle de comprendre qu’elle a bien d’autres problèmes à régler avant le conflit ukrainien et qu’elle n’est pas, actuellement, en position d’influer radicalement celui-ci, en dépit même de ses efforts certains de réarmement.
2025 Olga Barkai
Introduction et traduction de Gaël-Georges MOULLEC,
Docteur-HDR en histoire contemporaine. Chercheur associé au CRESAT, Université de Haute-Alsace, Mulhouse.
Conférence de presse conjointe du président russe et du président américain
Vladimir Poutine et Donald Trump ont tenu une conférence de presse conjointe à l'issue des négociations russo-américaines.
Source : http://kremlin.ru/events/president/news/77793
15 août 2025, Anchorage, Alaska
Vladimir Poutine : Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs !
Nos négociations se sont déroulées dans une atmosphère constructive et respectueuse, elles ont été très approfondies et utiles.
Je tiens à remercier une nouvelle fois mon collègue américain pour m'avoir invité en Alaska. Il est tout à fait logique que nous nous rencontrions ici, car nos pays, bien que séparés par des océans, sont en réalité des voisins proches. Et lorsque nous nous sommes rencontrés, en descendant de l'avion, je lui ai dit : « Bonjour, cher voisin. Je suis très heureux de vous voir en bonne santé et en vie ». Cela sonne très amical, très cordial, à mon avis. Seul le détroit de Béring nous sépare, et même là, il n'y a que deux îles, à seulement quatre kilomètres entre les îles russes et américaines. Nous sommes des voisins proches, c'est un fait.
Il est également important de noter qu'une partie importante de l'histoire commune de la Russie et des États-Unis, ainsi que de nombreux événements positifs, sont liés à l'Alaska. Ainsi, un immense héritage culturel de l'époque de l'Amérique russe a été préservé jusqu'à aujourd'hui : des églises orthodoxes, plus de 700 noms géographiques d'origine russe.
C'est en Alaska que, pendant la Seconde Guerre mondiale, a débuté la légendaire route aérienne pour l'approvisionnement en avions de combat et autres équipements dans le cadre du programme Lend-Lease. C'était une route dangereuse et difficile au-dessus d'immenses étendues glacées, mais les pilotes et les spécialistes des deux pays ont tout fait pour rapprocher la victoire, ont pris des risques et ont donné leur vie pour la victoire commune.
Je viens de rentrer de Magadan, en Russie, où se trouve un monument dédié aux pilotes russes et américains, sur lequel flottent les drapeaux russe et américain. Je sais qu'il existe un monument similaire ici, dans un cimetière militaire situé à quelques kilomètres, où sont enterrés les pilotes soviétiques qui ont péri lors de cette mission héroïque. Nous sommes reconnaissants aux autorités et aux citoyens américains pour le respect qu'ils témoignent à leur mémoire. C'est un geste digne et noble.
Nous nous souviendrons toujours d'autres exemples historiques où nos pays ont combattu ensemble leurs ennemis communs dans un esprit de camaraderie et d'alliance, s'apportant mutuellement aide et soutien. Je suis convaincu que cet héritage nous aidera à rétablir et à construire des relations mutuellement avantageuses et équitables à ce nouveau stade, même dans les conditions les plus difficiles.
Comme vous le savez, il n'y a pas eu de rencontre au sommet entre la Russie et les États-Unis depuis plus de quatre ans. C'est une longue période. La période écoulée a été très difficile pour les relations bilatérales qui, disons-le franchement, ont atteint leur point le plus bas depuis la guerre froide. Cela n'est bon ni pour nos pays, ni pour le monde en général.
Il était évident que tôt ou tard, il fallait redresser la situation, passer de la confrontation au dialogue, et à cet égard, une rencontre personnelle entre les chefs des deux États était vraiment nécessaire, à condition bien sûr d'une préparation sérieuse et minutieuse, et ce travail a été fait dans l'ensemble.
Le président Trump et moi-même avons établi de très bons contacts directs. Nous avons eu plusieurs conversations téléphoniques franches. Comme vous le savez, le représentant spécial du président américain, M. Witkoff, s'est rendu plusieurs fois en Russie. Nos assistants et les chefs des ministères des Affaires étrangères ont été en contact régulier.
Comme vous le savez et le comprenez bien, la situation en Ukraine est devenue l'une des questions centrales. Nous constatons la volonté de l'administration américaine et du président Trump en personne de contribuer au règlement du conflit ukrainien, son désir d'en comprendre les fondements et les origines.
J'ai dit à plusieurs reprises que pour la Russie, les événements en Ukraine sont liés à des menaces fondamentales pour notre sécurité nationale. De plus, nous avons toujours considéré et considérons le peuple ukrainien, comme je l'ai dit à maintes reprises, comme un peuple frère, aussi étrange que cela puisse paraître dans les circonstances actuelles. Nous avons les mêmes racines, et tout ce qui se passe est pour nous une tragédie et une grande douleur. C'est pourquoi notre pays souhaite sincèrement mettre fin à cette situation.
Mais nous sommes convaincus que pour que le règlement ukrainien soit durable et à long terme, il faut éliminer toutes les causes profondes de la crise, dont nous avons parlé à plusieurs reprises, tenir compte de toutes les préoccupations légitimes de la Russie, et rétablir un juste équilibre dans le domaine de la sécurité en Europe et dans le monde en général.
Je suis d'accord avec le président Trump, qui a déclaré aujourd'hui que la sécurité de l'Ukraine devait absolument être garantie. Nous sommes bien sûr prêts à y travailler.
J'espère que l'entente à laquelle nous sommes parvenus permettra de se rapprocher de cet objectif et ouvrira la voie à la paix en Ukraine.
Nous espérons que Kiev et les capitales européennes percevront tout cela de manière constructive et ne feront pas obstacle, ne tenteront pas, par des provocations ou des intrigues en coulisses, de compromettre les progrès qui se profilent.
D'ailleurs, avec l'arrivée de la nouvelle administration américaine, le commerce bilatéral a commencé à augmenter chez nous. Tout cela est encore symbolique, mais c'est tout de même une augmentation de 20%. Je veux dire par là que nous avons beaucoup de domaines intéressants pour une coopération.
Il est évident que le partenariat commercial et d'investissement entre la Russie et les États-Unis recèle un énorme potentiel. La Russie et les États-Unis ont beaucoup à s'offrir mutuellement dans les domaines du commerce, de l'énergie, du numérique, des hautes technologies et de l'exploration spatiale.
La coopération dans l'Arctique, la reprise des contacts interrégionaux, notamment entre notre Extrême-Orient et la côte ouest américaine, semblent également d'actualité.
En résumé, il est important et nécessaire pour nos pays de tourner la page et de renouer la coopération.
Il est symbolique que, comme je l'ai déjà mentionné, la ligne de changement de date, où l'on peut littéralement passer d'hier à demain, se trouve non loin de là, à la frontière entre la Russie et les États-Unis. J'espère que nous y parviendrons également dans le domaine politique.
Je tiens à remercier M. Trump pour notre collaboration, pour le ton amical et confiant de nos discussions. L'essentiel est que les deux parties aient fait preuve d’une volonté d'aboutir. Nous voyons que le président américain a une idée claire de ce qu'il veut atteindre, qu'il se soucie sincèrement de la prospérité de son pays et qu'il comprend en même temps les intérêts nationaux de la Russie.
J'espère que les accords conclus aujourd'hui serviront de point d'appui non seulement pour résoudre la question ukrainienne, mais aussi pour marquer le début du rétablissement de relations pragmatiques entre la Russie et les États-Unis.
Pour conclure, j'aimerais ajouter ceci. Je me souviens qu'en 2022, lors de mes derniers contacts avec l'ancienne administration, j'avais alors tenté de convaincre mon ancien collègue américain qu'il ne fallait pas en arriver à une situation qui pourrait avoir de graves conséquences sous la forme d'hostilités, et j'avais clairement dit à l'époque que ce serait une grave erreur.
Aujourd'hui, nous entendons le président Trump dire : «Si j'avais été président, il n'y aurait pas eu de guerre». Je pense que cela aurait effectivement été le cas. Je le confirme car, dans l'ensemble, nous avons établi avec le président Trump de très bonnes relations professionnelles et de confiance. Et j'ai toutes les raisons de croire qu'en poursuivant dans cette voie, nous pouvons parvenir – et le plus tôt sera le mieux – à mettre fin au conflit en Ukraine.
Je vous remercie de votre attention.
Donald Trump (traduction) : Merci beaucoup, Monsieur le Président. C'était vraiment un discours très profond.
Je voudrais dire que nous avons eu une réunion très productive, nous avons discuté de nombreuses questions. Je pense que certaines d'entre elles étaient vraiment importantes.
Nous ne sommes pas parvenus à un accord complet. Malheureusement, il n'y a pas encore d'accord. Je vais contacter les représentants de l'OTAN, je vais contacter et m'entretenir avec les dirigeants concernés, avec le président Zelensky, je l'informerai de la réunion d'aujourd'hui.
Je partage l'avis du ministre des Affaires étrangères [Marco] Rubio, du représentant spécial [du président américain Stephen] Whitcoff et leur position. Je vous remercie pour votre travail et votre coopération, vous faites un excellent travail.
Nous avons également ici d'éminents représentants du monde des affaires et d'autres domaines. Si vous souhaitez coopérer avec nous, nous nous en réjouissons et nous sommes impatients de travailler ensemble. Nous souhaitons mettre fin à ce conflit le plus rapidement possible.
Aujourd'hui, nous avons réalisé des progrès significatifs. J'ai de très bonnes relations avec le président Poutine. Nous avons eu de nombreuses réunions difficiles, mais fructueuses, avec Vladimir Vladimirovitch. Nous savons que la situation fictive concernant « l'ingérence de la Russie » dans les élections américaines... Il [V. Poutine] le comprend parfaitement, compte tenu de sa carrière, et il sait que tout cela est faux. « La Russie, la Russie, la Russie ». Il comprend que tout ce qui a été fait relève d'efforts criminels.
Bien sûr, nous aurons une bonne occasion de travailler ensemble. Je voudrais dire très rapidement que je vais passer quelques coups de fil pour informer les dirigeants européens de ce qui a été discuté.
Nous avons eu des discussions productives. Et le premier point, le plus important, est sans doute que nous avons une bonne chance, une très bonne chance, de parvenir à un règlement pacifique. Nous n'y sommes pas encore, mais je remercie le président Poutine et son équipe, ainsi que vous tous ici présents, d'avoir fait tout ce qui était nécessaire pour y parvenir.
Je vois vos visages dans les journaux. Vous êtes en fait presque aussi connus que votre chef, en particulier ce monsieur ici présent [S. Lavrov].
Nous avons eu de nombreuses réunions fructueuses au fil des ans. Et nous avons effectivement eu une réunion productive aujourd'hui.
Des milliers de personnes meurent chaque semaine, et le président Poutine souhaite mettre fin à ce conflit tout autant que moi. Je vous remercie, Monsieur le Président, nous resterons en contact très prochainement. J'espère vous revoir bientôt.
Merci.
Vladimir Poutine (en anglais) : La prochaine fois à Moscou.
Donald Trump (traduction) : C'est une proposition très intéressante. On va sûrement me critiquer, mais je pense que c'est tout à fait possible.
Je vous remercie, Monsieur le Président. Je vous remercie tous.
Vladimir Poutine (en anglais) : Merci beaucoup.
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