Interview du GDI Christophe Boyer, Cdt l'EOGN

L’Interview du GDI Christophe Boyer, Commandant l'École des Officiers de la Gendarmerie Nationale (EOGN), a été réalisée à Melun par Alain Establier, Rédacteur en Chef de SDBR News

SDBR News : Général pouvez-vous nous préciser le périmètre de vos responsabilités ?

GDI Christophe Boyer : Tout d’abord, je commande l'École des Officiers de la Gendarmerie Nationale (EOGN) qui est la seule école qui forme les officiers pour la Gendarmerie, que ce soit pour la formation initiale, avant leur premier emploi, ou pour les formations complémentaires et continues. Nous avons deux sites : le site principal de Melun (77) et l’antenne de l’Ecole militaire à Paris. Mes fonctions de commandant de l’Ecole recouvrent les aspects de commandement d’unité : ressources humaines, logistique, mise en œuvre des actions de formation pour les officiers demandées par le commandement des Ecoles de la Gendarmerie (CEGN) ou par la direction générale de la Gendarmerie Nationale (DGGN). C’est la DGGN qui définit les compétences requises pour les officiers au sortir de l’Ecole, qui sont déclinées pour mettre en œuvre les actions de formation ad hoc. Nous avons également divers pôles spécifiques, rattachés à l’EOGN, qui concourent à cet échange de formation : le centre de recherche de l’EOGN (CREOGN), dirigé depuis le 02 décembre 2020 par le Général (2S) François Daoust (qui a succédé au Général d’armée (2S) Marc Watin-Augouard) ; le centre de formation des dirigeants qui s’occupe de toute la formation continue, auquel est rattaché le département MBA que vous connaissez (https://mba-securite-eogn.fr ) ; il y a aussi le Musée de la Gendarmerie qui est sur notre terrain depuis 2015 ; la CPI (classe préparatoire intégrée) qui accueille pendant un an une vingtaine de jeunes méritants (Bac+5) qui vont être préparés à passer le concours d’officier de la gendarmerie et différents concours de la fonction publique. Enfin, j’ai la responsabilité de la communication et du rayonnement international de l’École.        

SDBR News : En fait vous gérez une vraie PME…

GDI Christophe Boyer : Nous sommes 370 « cadres » pour faire fonctionner l’École, ce qui représente un chiffre significatif de personnes et de familles vivant à Melun. C’est ce qui m’amène à avoir en outre des contacts réguliers avec la municipalité et le département, en plus de participer aux différentes cérémonies dans la ville.

SDBR News : Quels sont les critères de recrutement des élèves officiers ?

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GDI Christophe Boyer : Tous les élèves officiers sont recrutés sur concours avec la nécessité d’avoir un bon niveau de culture générale. Mais le premier critère est le Mérite, comme dans tous les concours de la Fonction Publique. Nous allons donc chercher les jeunes les plus méritants ou les sous-officiers les plus méritants pour devenir officiers de Gendarmerie. Ensuite nous allons chercher en eux leur capacité à Servir en tant qu’officier, notamment leur motivation, l’acceptation des contraintes liées à nos missions et à notre statut militaire, et le dépassement de Soi (notamment pour les épreuves physiques). Le reste s’apprend, mais ces deux critères sont essentiels. Bien sûr nous regardons aussi leur capacité à s’exprimer et à se comporter.

SDBR News : Quelles sont les filières de recrutement ?

GDI Christophe Boyer : Nous avons différents types de recrutement. En premier lieu, le recrutement semi-direct qui est en fait un concours interne : ce sont des personnels qui ont déjà un premier parcours en Gendarmerie, âgés d'environ 30 ans avec un niveau Licence ou qui sont déjà diplômés en interne (OPJ, diplôme d'arme). Nous avons bien sûr le recrutement direct, soit avec un diplôme universitaire (Bac+5) soit sur titres. Le recrutement sur titres concerne des experts dans des domaines très précis que la Gendarmerie recherche (par exemple, un biologiste moléculaire, si nécessaire, pour ses labos). Nous venons de créer un nouveau concours qui débutera en 2021 : officier de Gendarmerie scientifique. Il s’agit d’aller chercher des élèves-officiers qui ont un bagage scientifique, de niveau Bac+5 (ingénieur, Master scientifique), pour recruter de futurs officiers capables d’instiller une culture scientifique et numérique dans leur quotidien. Ils exerceront comme les autres officiers généralistes  mais ils auront une fibre différente pour aborder des sujets comme l’intelligence artificielle (IA), les nouvelles technologies, etc.

SDBR News : Les officiers d’aujourd’hui n’ont-ils pas de cursus scientifique ?

GDI Christophe Boyer : Actuellement, nos officiers entrés par la voie universitaire sont essentiellement diplômés en Droit ou en Sciences de Gestion. Le directeur général de la Gendarmerie a souhaité que nous nous donnions les moyens de recruter des profils plus en adéquation avec le monde scientifique et numérique qui nous entoure, pour équilibrer le corps actuel. Actuellement il y a 20 places ouvertes au concours de l’EOGN pour la voie universitaire ; il y aura dorénavant 10 places de plus ouvertes pour des cursus scientifiques.

SDBR News : Quelle est la composition des promotions ?

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GDI Christophe Boyer : En première année il y a actuellement 136 élèves-officiers, dont 16 élèves étrangers : 111 hommes et 25 femmes. En deuxième année, ils sont 160 dont 26 étrangers. Ils sont plus nombreux en deuxième année car il faut tenir compte des vingt admissions directes ouvertes sur équivalence des grandes écoles militaires : Polytechnique (3), Saint-Cyr (15), Ecole Navale (1), Ecole de l’Air (1). Nous avons des admissions directes au grade de capitaine des armées : une dizaine de places chaque année. À ce nombre, il faut également ajouter les 12 OSCE (officier sous contrat encadrement), dont la scolarité d'une année les rattache les 6 premiers mois avec les élèves de la nouvelle promotion et les 6 mois suivants avec leurs aînés. Concernant les OCTA (officier du corps technique administratif – une vingtaine chaque année, qui ont vocation à exercer dans des domaines administratifs, logistiques ou ressources humaines) : après un tronc commun avec leurs camarades en 1ère année, ils auront une formation spécifique d’un semestre en 2ème année pour accéder à leur premier emploi.

SDBR News : Parlez-nous du premier emploi au sortir de l’EOGN…

GDI Christophe Boyer : Les élèves choisissent en deuxième année une « dominante » dans laquelle ils serviront lors de leur premier emploi : sécurité publique générale (brigades territoriales autonomes, communautés de brigades, PSIG), maintien de l’ordre défense (escadrons de gendarmerie mobile), police judiciaire ou sécurité routière, les OCTA se préparant spécifiquement à leur premier emploi comme on l’a évoqué. Cette dominante se prolongera peut-être au-delà de leur premier emploi mais pas forcément. A l’Ecole, les élèves officiers reçoivent un enseignement de tronc commun propre à tous les recrutements et qui servira dans toutes les unités, opérationnelles ou administratives. Cet enseignement commun insiste beaucoup sur le « savoir-être », sur la déontologie de la profession et sur l’éthique du comportement. L’enseignement de l’éthique repose sur la théorie mais aussi sur des cas concrets de mise en situation. Ils reçoivent aussi bien sûr un enseignement sur les « savoir-faire », qu’ils compléteront sous forme de stages dans les unités. En 1ère année les élèves reçoivent aussi une solide formation militaire, pour en faire des officiers de Gendarmerie mais plus largement des chefs militaires capables de s’adapter à des situations de crise grave : ils suivent dans cette optique un mois de formation de chef de section à ST Cyr-Coëtquidan.

SDBR News : Quel est le parcours type d’un élève-officier ?

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GDI Christophe Boyer : Il n’y a pas de parcours type et c’est un des attraits de la Gendarmerie. En fonction de ses goûts et de son classement à l’Ecole, l’élève va choisir son premier emploi comme on l’a dit. Ensuite, il aura le choix de rester dans sa spécialité ou de changer de « filière ». Exemple, un officier peut choisir un premier emploi en Police Judiciaire et choisir d’y rester en se spécialisant dans différents aspects et responsabilités de la police judiciaire : unités de recherche (enquêtes judiciaires), N’Tech (lutte contre la cybercriminalité, contre la pédopornographie, etc.), IRCGN (identification criminelle, recherche scientifique, etc.). Un autre préférera faire tout son parcours dans le commandement d’unités opérationnelles, mais pourra également découvrir des formations spécialisées : gendarmerie maritime, unité de montagne, etc. Chaque officier est acteur de son propre parcours, même s’il faut bien tenir compte aussi de son cursus de formation initial ou de son âge : tous les postes ne sont pas compatibles avec tous les profils. Il y a autant de parcours que d'officiers. La Gendarmerie offre des dizaines de métiers et les parcours sont souvent le résultat de goûts et d’opportunités pour une belle carrière.

SDBR News : Quel est l’idéal des officiers de Gendarmerie ?

GDI Christophe Boyer : SERVIR ! Quoique nous fassions dans les métiers passionnants que nous venons d’évoquer, l’idéal d’un officier de Gendarmerie est avant tout d’être au service de la population, au service d’un territoire et au service de ses personnels. En Gendarmerie, l’Humain est considéré comme le système d’armes ; comme, par exemple, dans l’Artillerie le système d’armes sera le canon ou dans la Marine le bateau… C’est l’Humain qui fait fonctionner la Gendarmerie, indépendamment des véhicules pour transporter les personnels ; c’est particulièrement vrai lorsque la situation se dégrade. Le tout technologique ne remplacera pas l’Humain et rien ne remplacera le gendarme et son contact avec la population. Par contre, la technologie (IA ou autre) peut nous aider à dégager du temps pour aller encore plus au contact de la population.      

SDBR News : Quels sont les enjeux pour les gendarmes, dans le contexte actuel de la société française ?

GDI Christophe Boyer : Nos élèves-officiers ont pleinement conscience des défis qui les attendent et sont impatients d’aller s’y confronter. Ils savent que cela va être compliqué mais, pour autant, ils sont motivés pour être des chefs militaires et pour assurer des fonctions de défense et de sécurité. Ce sont les deux aspects auxquels ils se préparent. Notre objectif est qu'ils soient capables d’affronter des crises, en termes de robustesse et de résilience, dès leur sortie de l’école.

https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/eogn

Biographie du général de division Christophe BOYER

 Né le 21 septembre 1964, il a intégré la gendarmerie en 1991, après avoir servi quatre années dans l’armée de terre comme lieutenant. Il est diplômé de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr (promotion 1984 – 1987), titulaire d'un diplôme d'université de 3ème cycle « analyse des menaces criminelles contemporaines » de l'université Paris 2 Panthéon – Assas et auditeur de l'IHEDN et de l'INHESJ. Il est breveté de l'enseignement militaire supérieur. Sa carrière se partage entre des temps de commandement opérationnel et des postes en état-major ou en école .Depuis le 1er août 2018, il commande l'école des officiers de la gendarmerie nationale à Melun. Il est promu général de division le 1er août 2019. Il est officier de la Légion d'honneur et officier de l'Ordre national du mérite.

Crédits photos: EOGN